Chers lectrices et lecteurs, vos nombreuses visites sur ce blog nous encouragent et nous incitent à persévérer.
Lors d’un précédent billet nous avions évoqué le changement de paradigme. Eh bien cette fois nous allons poursuivre en évoquant les tropismes (pas moins !!!) de nos élus et de leurs électeurs bien entendus, car ils ne seraient rien sans eux, ne l’oublions pas.
Le billet relatif au changement de paradigme démontrait :
-que la crise financière de 2007 et ses conséquences sur les finances des collectivités locales, n’avaient pas été prises en compte par nos communes ;
-qu’elles s’étaient comportées à rebours du mouvement national en ne s’adaptant pas au double bouleversement national et européen ;
-que la très grande majorité d’entre elles avait dépensé bien plus que les recettes nouvelles dont elles avaient bénéficié ;
-et que l’Etat avait bon dos.
Nous concluions en observant qu’il était difficile d’échapper à ses propres tropismes (forces obscures qui poussent un groupe à prendre certaines orientations), sauf à changer de paradigme.
Les tropismes évoqués sont fort bien résumés dans ce graphique issu du point statistique du ministère de la décentralisation et de la fonction publique pour 2012, consultable à l’adresse suivante : http://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/statistiques/point_stat/PointStat-emploi3FP 2012.pdf.
Il suffit d’aller en page 11 et vous y verrez ceci :
Nous figurons donc à la meilleure place ! Soyez beaux joueurs, vous le saviez, mais à ce point non !
Nous détenons la plus forte progression du taux d’agents de la fonction publique (hors militaires) pour 1000 habitants entre 2011 et 2012. Si nous rajoutions nos braves pandores nous éclaterions les statistiques !!! Déjà ce taux de progression est cinq fois plus important que la moyenne nationale (en violet sur le graphique).
Mais dans les faits cette première place est bien peu enviable, car elle diminue d’autant la capacité d’investir, de préparer l’avenir de nos enfants.
Rappelez vous que la gestion quotidienne d’une commune, correspond à celle d’un ménage : une partie de la gestion concerne le fonctionnement quotidien de la commune (c’est la partie qualifiée de fonctionnement), l’autre partie concerne les opérations d’équipement que la commune choisit de mener pour son développement (c’est la partie qualifiée d’investissement).
La partie fonctionnement regroupe toutes les recettes et les dépenses nécessaires à la gestion courante et régulière de la commune, celles qui reviennent chaque année :
– Les dépenses concernent le personnel, l’entretien des bâtiments et des matériels, les consommations d’eau et d’électricité, les charges de participations à l’intercommunalité et les intérêts des emprunts en cours.
– Les recettes sont très majoritairement constituées par le produit des impôts directs locaux (TH, TP, TF), des taxes et des dotations de l’État et des produits des domaines à la suite d’occupation du domaine public (terrasses des commerces par exemple).
– L’excédent de recettes par rapport aux dépenses, est utilisé en priorité au remboursement du capital emprunté, le surplus constitue l’autofinancement qui permettra d’abonder le financement des investissements prévus par la collectivité.
Une commune doit donc se comporter chaque année, comme un jeune ménage, en maîtrisant ses dépenses afin de dégager un apport personnel pour mener à bien la préparation du futur, sans que les emprunts qui viendront compléter l’apport personnel ne soient trop lourds à supporter.
Comme les dépenses de personnel constituent plus de la moitié du total des dépenses des communes (voir tableau suivant, source : les dépenses des collectivités locales, Ministère de la décentralisation), il devient de plus en plus urgent de les maîtriser, afin de dégager de quoi financer l’investissement :
Déjà la Cour des comptes, dans son rapport thématique d’octobre 2013 sur les finances publiques locales, faisait remarquer que, théoriquement, les dépenses de personnel des communes auraient du diminuer en raison de la mutualisation des moyens après l’installation des intercommunalités : personnels transférés aux intercommunalités pour remplir des missions auparavant effectuées par les communes : ramassage des ordures ménagères par exemple.
Mais en fait, ces dépenses (en jaune), ainsi que leur part dans le total des dépenses de fonctionnement (en rosé), n’ont cessé de croître, comme le montre le tableau ci-dessus, alors que le transfert des personnels au sein des intercommunalités aurait du les faire baisser ou à tout le moins les maintenir à leur niveau antérieur.
Jusqu’ici nous sommes dans un mouvement de court terme où chaque commune, fait de l’électoralisme : la Corse n’a pas ce malheureux privilège.
Mais en revanche, la Corse a le triste privilège de ne pas échapper à ses propres tropismes, celui de continuer et continuer encore à augmenter ses dépenses de personnel, quelle que soit la situation économique générale. Nul besoin d’expliquer que ce n’est pas l’amélioration du service rendu aux usagers qui explique ce mouvement chez nous.
En voici la preuve. Après la crise de 2007, le rythme d’augmentation des dépenses de personnel des communes a baissé de 4,5 points : il était d’un peu moins de 17 % avant la crise, il dépasse légèrement les 12 % après la crise :
Or en Corse, c’est l’inverse, ce sont nos tropismes (forces obscures qui poussent un groupe à prendre certaines orientations) qui sont à l’oeuvre. Déjà le taux de progression moyen de ces dépenses était supérieur de 5 points à la moyenne nationale entre 2002 à 2007.
Après la crise,alors que chacun sait que les ressources d’Etat vont baisser, il connaît un double mouvement qui nous est spécifique :
-il augmente au lieu de baisser comme dans les autres communes ;
-mieux encore cette hausse s’amplifie de trois points en passant de 23 à 27 % alors qu’elle était déjà supérieure à la hausse moyenne avant la crise (voir tableaux in fine).
Désormais le différentiel est de 14 points : 13 % pour les communes du pays et 27 % en Corse.
Rassurez vous, il y aura bien quelques conséquences. Elles se résument rapidement : les investissements vont baisser, les impôts locaux vont augmenter et les élus quémander comme d’habitude quelques subsides à l’Etat qui n’en a plus, mais il n’y aura pas de remise en cause du fameux paradigme de gestion !
Comme vous le constaterez dans les tableaux suivants, s’il y avait 7 communes sous la moyenne nationale avant la crise, il n’y en a plus que 5 après la crise, avec trois qui appartiennent à la communauté d’agglomération de Bastia (allez savoir pourquoi en raison du déficit abyssal de la dite CAB…) et deux remarquables par leurs exécutifs respectifs ….
Nous disions donc que la Corse n’avait pas la capacité d’échapper à ses propres tropismes, sauf à changer de paradigme.
Quoique, quand nous disons tropismes, au sens de forces obscures, nous savons tous de quelles forces il s’agit, mais elles deviennent obscures à l’entendement humain, car elles ne réagissent pas à la raison, en refusant de s’adapter au principe de réalité, qui aurait du les conduire à agir comme les autres communes.
Alors cher lecteur, tropisme ou pas tropisme ?
NB 1 : les deux tableaux ci-après présentent le montant des dépenses de personnel exprimées en milliers d’€. AinsiSANTA MARIA DE LOTA a des dépenses de personnel qui s’élèvent à 260 milliers d’€ en 2003, 413 milliers d’€ en 2007. En langage commun cela donne des dépenses de 260 000 € en 2007 et de 413 000 € en 2007.
NB 2 : les personnes désireuses d’avoir ce texte sous un format PDF peuvent en faire la demande à l’adresse mail suivante : ichjassi@gmail.com. Il en va de même pour tous les autres déjà publiés.
ANNEXES
Avant la crise de 2007
Après la crise de 2007
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