Dans un des plus grands chefs d’œuvre produits par l’homme, la Divine Comédie de Dante, le génie Alighieri nous apprend que « chacun a une idée confuse d’un bien où son âme puisse se reposer ».
Sans se livrer à l’interprétation approximative d’un si grand texte, il est amusant d’y voir un clin d’œil à la situation que vit la Corse actuellement, en quête permanente et confuse de ce Bien où nous pourrions enfin nous reposer et par voie de conséquence trouver la paix. Ce Bien, recherché actuellement, est caractérisé par la prédominance de quatre termes politique que chaque formation insulaire se renvoie : indépendance – autonomie – autodétermination – dévolution.
Qu’ils soient présentés comme des solutions d’avenir pour le Peuple corse ou comme d’authentiques menaces, tous les hommes politiques aspirant à exercer des responsabilités sur notre territoire ont utilisé ces termes récemment. Tous ont livré leur analyse sur les supposés bienfaits ou les potentielles menaces se cachant derrière cette quadrature. En revanche, rares ont été ceux qui n’ont pas fait l’erreur de bien préciser qu’en aucun cas ces termes ne sauraient appartenir aux mêmes plans dimensionnels de la politique.
En effet, si l’on en croit les récents commentaires, les puissantes analyses et les profonds argumentaires, l’indépendance, l’autonomie, la dévolution ou l’autodétermination renverraient, à quelques détails près, à une situation identique. Cette erreur d’analyse provoque une grande confusion qui, si elle n’est pas rectifiée, entraînera à n’en pas manquer de grands troubles dans les débats politiques à venir.
L’autodétermination n’est, tout d’abord, pas un mode de gouvernance, mais un principe qui vise à faire de la validation populaire le préalable à toutes réformes des institutions. En somme, on peut tout à fait être favorable à l’autodétermination de la Corse et souhaiter que cette dernière s’inscrive résolument dans le droit chemin de la République française. L’autodétermination n’est qu’une notion voisine de la démocratie et n’induit qu’une seule conséquence : celle de considérer que seuls les citoyens sont légitimes pour déterminer le système politique qui devra les gouverner.
La dévolution – des pouvoirs, des compétences et des moyens – n’est en revanche que le nom donné au processus qui permet à un territoire d’exercer des responsabilités politiques plus importantes. Si cette dévolution est restreinte, encadrée ou limitée, on peut alors parler de degré variable d’autonomie. Si cette dévolution est large, on peut aller jusqu’à envisager une indépendance (si tant est qu’on puisse la définir à l’aune de l’Europe politique).
Par conséquent, l’idée de dévolution est bien plus proche du courant de pensée nationaliste qui vise à obtenir progressivement pour certains, immédiatement pour d’autres, des pans de pouvoirs. Il n’y a donc strictement aucune mise en parallèle de ces termes sauf à vouloir instaurer la brume épaisse comme climat de référence. Ces quatre termes désormais rois ne sont en réalité que la matérialisation d’étapes différentes d’un processus unique.
L’autodétermination doit être un socle, un ciment. Ce sont les citoyens de ce pays qui détermineront son futur, qu’il soit lié ad vitam æternam à celui du « pays ami » ou non.
En fonction des majorités politiques désignées par le suffrage universel, des consultations sur un processus de dévolution pourront être alors mises en place. Cette dévolution permettra alors à l’Île d’accéder à un certain niveau d’autonomie, voire à l’indépendance.
La notion d’autodétermination est donc paradoxalement celle qui devrait diviser le moins la Société corse : quel esprit raisonnable pourrait en effet soutenir que notre destinée collective peut puiser sa force ailleurs que dans la décision majoritaire des citoyens ?
La dévolution, quant à elle, est un concept plus clivant puisqu’il vise à envisager une plus grande palette de responsabilités et de pouvoirs pour l’Île. Mais là encore, l’ensemble des formations politiques, y compris les plus traditionnelles, milite pour une autonomie. Certains souhaitent un encadrement de cette autonomie par la République française, d’autres souhaitent qu’elle aille le plus loin possible, parfois jusqu’à une indépendance.
L’autodétermination n’est donc qu’un fondamental autour duquel nous devons tous nous réunir. La dévolution est en revanche un processus en faveur duquel ne s’engageront que ceux qui sont favorables à une plus grande responsabilité des institutions de la Corse. L’autonomie et l’indépendance ne seront que les conséquences de ce processus de dévolution, et la traduction de la réalité validée par la majorité.
Certains trouveront que ces développements sémantiques ne sont qu’anecdotiques, mais sur le chemin de l’enfer de Dante, le diable reste dans le détail.
Vincent Gambini
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