TERRITORIALES DE DÉCEMBRE 2017 PROJECTIONS ÉLECTORALES

Les tractations électoralistes des diverses composantes politiques de l’Île battent leur plein. En revanche, s’agissant des programmes, des grands axes de développement qui pourraient émaner des listes probables, il n’y a rien de tangible à moins de deux mois de la consultation.

Espérons que sur ce point les choses évolueront positivement.

Il convient également de préciser que les projections électorales sont des prévisions qui résultent d’une réflexion. Mais en aucun cas, elles ne sauraient dire le futur. Chaque lectrice et chaque lecteur pourra donc pondérer les chiffres avancés au regard de sa propre vision, de sa connaissance de l’Île ou de son ressenti. 

I — LES BASES DE CALCUL

Deux seuils sont importants pour la distribution des 63 sièges de la future collectivité territoriale unique (CTU) :

  • celui de l’obtention des 5 % des suffrages exprimés qui donne droit à la fusion avec une liste ayant dépassé les 7 % des suffrages exprimés ;
  • celui des 7 % qui permet de continuer seul ou bien de fusionner avec une autre liste ayant obtenu un score supérieur à 5 % des suffrages.

L’obtention d’au moins 5 % des suffrages exprimés donne également droit au remboursement des frais électoraux.

Deux variables sont à connaître pour la future élection : le nombre d’inscrits et le taux de participation.

Le 1er est quasiment figé (par exemple, l’inscription des électeurs atteignant 18 ans avant le scrutin le fera varier) par les deux scrutins qui ont eu lieu en 2017.

1

Le nombre d’inscrits est arrondi à 234 000 pour travailler sur des ordres de grandeur proches de la réalité.

Le 2ème (taux de participation) est par essence variable et les développements suivants le fixent entre le minimum et le maximum des trois dernières consultations : territoriales 2015, présidentielles 2017 et législatives 2017.

Au cours de ces trois derniers scrutins, la participation, c’est-à-dire le nombre de suffrages exprimés (les abstentionnistes, nuls et blancs ne sont pas comptabilisés) a été la suivante :

2

Le minimum a été atteint lors du 2ème tour de la législative de 2017 avec moins de 47 % des inscrits qui se sont exprimés et le maximum a été atteint lors du 1er tour de la présidentielle de 2017, avec 66 % des inscrits qui se sont exprimés.

II — LES SEUILS DES 5 % ET 7 %

Le tableau suivant indique dès lors le nombre de suffrages exprimés que devront obtenir les futures listes pour passer les seuils de 5 et 7 % :

3

Avec une participation de 47 %, il faudra obtenir :

  • 5 500 suffrages pour passer le seuil des 5 %
  • 7 700 suffrages pour passer le seuil des 7 %.

Avec une participation de 66 %, il faudra obtenir :

  • 7 750 suffrages pour passer le seuil des 5 %
  • 10 800 suffrages pour passer le seuil des 7 %.

Un tel écart de participation, près de 20 points entre le minimum du 2ème tour de la législative 2017 et le maximum du 1er tour de la présidentielle 2017, mérite d’être affiné, à l’aune des seules élections régionales.

III — LA PARTICIPATION AUX ÉLECTIONS RÉGIONALES

Elle a varié de la manière suivante :

4

On peut donc estimer que le maximum pour un 1er tour est de 70 % et le minimum de 60 %.

Trois hypothèses sont donc plausibles : la participation à 60 %, puis à 65 % et enfin à 70 %.

Neuf listes seront probablement présentes selon la presse : deux à droite, le PC associé aux Insoumis, le FN, LREM « canal ORSUCCI » et LREM « canal TATTI Républicain », deux pour les nationalistes et une liste NATURA CORSA.

Cela donne 567 candidats avec leurs liens d’amitié et de connaissance.

Compte tenu des réformes que sont en train d’engager le Président de la République et son gouvernement, il y aura aussi un « effet national » engageant les électeurs à se mobiliser pour cette élection régionale.

Compte tenu de ces éléments, les deux hypothèses de travail utilisées ci-après sont celles d’une participation de 65 % à 70 %, dès le 1er tour.

Dès lors on aurait les seuils suivants :

5

Avec une participation de 65 %, il faudra obtenir :

  • 7 600 suffrages pour passer le seuil des 5 % ;
  • 10 650 suffrages pour passer le seuil des 7 %.

Avec une participation de 70 %, il faudra obtenir :

  • 8 200 suffrages pour passer le seuil des 5 % ;
  • 11 500 suffrages pour passer le seuil des 7 %.

IV — UNE FOURCHETTE POUR LE 1ER TOUR DES TERRITORIALES

L’électorat corse, volatil suivant le type d’élections, garde tout de même certaines constantes :

  • le bloc FN,
  • le bloc conservateur de droite,
  • le bloc post-giaccobiste recyclé en LREM,
  • le bloc PC insoumis,
  • le bloc nationaliste,
  • et tous ceux qui ne se retrouvent dans aucune de ces composantes, soit par manque de programme, soit par manque de valeur, soit par la quasi-disparition de la gauche de gouvernement.

1 — Le bloc FN

Au territoriales 2015 il a recueilli 14 000 suffrages, puis plus de 65 000 aux présidentielles 2017 (1er tour) et 5 800 aux législatives de 2017 (1er tour), sans participation à la 2ème circonscription 2A. C’est un mouvement prégnant, car il a réalisé plus de 39 000 suffrages au 1er tour des présidentielles 2012 et près de 12 000 au 1er tour des législatives 2012. Mais ce mouvement est désormais divisé, ce qui va nuire à sa représentativité.

L’hypothèse retenue est celle de 8 et 12 000 suffrages pour 1er tour de décembre 2017.

2 — Le bloc PC & Insoumis

Ce bloc va profiter de l’assise communiste en Corse, à laquelle se joindra la dynamique de contestation sociale portée par Jean Luc Mélenchon.

Ses résultats ont été de 7 500 voix aux territoriales 2015 (1er tour), puis plus de 32 000 suffrages aux présidentielles 2017 et plus de 32 000 aux législatives de 2017 (1er tour). C’est également un mouvement prégnant, car il a réalisé 12 000 suffrages au 1er tour des présidentielles 2012 et 10 000 au 1er tour des législatives 2012.

L’hypothèse retenue est celle de 8 et 12 000 suffrages pour 1er tour de décembre 2017.

3 — Le bloc conservateur de droite

Ses résultats ont été de 35 000 voix aux territoriales 2015 (1er tour), puis plus de 60 000 suffrages aux présidentielles 2017 et plus de 33 000 suffrages aux législatives de 2017 (1er tour), les deux tendances confondues. C’est également un mouvement prégnant, car il a réalisé plus de 50 000 suffrages au 1er tour des présidentielles 2012 et 39 000 au 1er tour des législatives 2012.

L’hypothèse retenue est celle de 33 à 40 000 suffrages pour 1er tour de décembre 2017.

L’existence d’une composante corsiste et d’une composante légitimiste est de nature à lui permettre, un score agrégé dans le haut de la fourchette.

4 — Le bloc LREM

Les seules références sont celles des présidentielles avec 44 000 suffrages au 1er tour et des législatives avec 25 500 suffrages.

LREM est au même niveau que l’ancien Président de l’exécutif au 1er tour des territoriales 2015 (près de 25 000 voix) et bien loin des 38 000 suffrages du PRG du 1er tour des législatives 2012.

Il prendra de plein fouet :

  • la réforme code du travail (plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif, référendum d’entreprise à l’initiative de l’employeur en cas d’accord minoritaire, fusion des instances représentatives du personnel, primauté des accords d’entreprise sur ceux de la branche) dont le désaccord sera porté par les syndicats du secteur public puissant et actif, et sans aucun doute par le STC qui est bien implanté dans le privé ;
  • ainsi que la baisse des dotations aux collectivités, ce qui n’aura pas l’effet d’entraînement escompté auprès des maires.

Ce qui est probable, c’est que le score des législatives ne sera pas reconduit.

Au surplus s’y rajoutent le déficit d’image du représentant de l’extrême sud en raison des problèmes récurrents que suscitent les constructions sur la commune qu’il dirige et le mauvais score du président du Conseil départemental 2B (qui ne le sera plus en janvier prochain) ce qui risque d’inciter certains maires à ne plus lui apporter le même soutien.

Leur déficit d’image sera plus fort encore avec les conciliabules actuels après la désignation du maire de Bunifaziu comme chef de file LREM, dont la position varie entre l’autonomie et le l’opposition frontale au bloc nationaliste : « ne carnè, ne pesciu » diront certains ! Elle paraît en l’état, comme une course aux strapontins, une manière de survivre et une possibilité d’offrir quelques prébendes présidentielles sonnantes et trébuchantes à la Corse. Quelques babioles pour l’indigène diront d’autres…

Cette composante a en face d’elle une composante « front républicain » avec des femmes et des hommes bien identifiés sur ces positions, qui ont un électorat stable et fidèle.

Compte tenu de ces éléments, les deux branches de LREM devraient ensemble recueillir entre 20 000 et 25 000 suffrages, avec certainement une primauté à la légitimité républicaine, donc défavorable au tandem ORSUCCI — ORLANDI, avec une réelle interrogation sur sa capacité à dépasser les 7 %, dès lors que la composante républicaine se présenterait devant les électeurs.

En cas d’un hypothétique accord, nul ne sait s’il tiendra et s’il sera suivi par les électeurs, tant la « soupe servie » le sera à la grimace.

5 — Le bloc nationaliste

Au 1er tour des territoriales 2015 il a recueilli 37 400 suffrages, auxquels il faut retirer les 3 500 du RINNOVU qui se situe désormais « dans l’opposition » suivant les propos du Président de l’Assemblée de Corse : donc la base du 1er tour des territoriales passe à 34 000.

Néanmoins ce bloc nationaliste, s’est exprimé dans sa globalité lors des législatives puisqu’il a permis de recueillir 34 000 suffrages dès le 1er tour, c’est-à-dire la base du 1er tour des territoriales.

Il est indéniable qu’il est porté par une forte dynamique, puisque la progression a été de 15 000 suffrages au 2e tour des territoriales (soit près de 53 000) et de 20 000 suffrages au 2ème tour des législatives (soit 54 000 suffrages, sans les 5 000 de la 1re circonscription 2A).

Situer la dynamique nationaliste entre 34 000 et 54 000 suffrages est possible. Mais c’est oublier que le départ se fera avec deux listes et les questions suivantes qui restent en suspens :

Question 1 : quelle sera la fuite de l’électorat de base du bloc nationaliste vers le RINNOVU, compte tenu de l’ouverture vers des personnalités qui font gronder la base et de la présence annoncée de candidats qui cumulent les mandats ?

Question 2 : quel sera le nombre d’électeurs issus de la gauche (progressiste par tradition, car elle a porté l’évolution de l’Île depuis la décentralisation en 1982 à la CTU en 2018) dont disposera Gilles SIMEONI, dans le mouvement de dilution/recomposition qui s’opère au sein de cette famille de pensée.

Tout cela est impossible à chiffrer, mais il est certain que l’on risque d’avoir une progression moindre que celle résultant de l’addition de la dynamique des territoriales et des législatives avec des scores de 53 000 à 59 000 suffrages (compte tenu des voix s’étant portées sur le candidat de la 1re circonscription 2A).

Mais puisqu’il faut arrêter une fourchette, elle se situerait entre 34 000 et 50 000 suffrages (+ 15 000 = progression au 2ème tour des territoriales), en raison des externalités négatives exposées ci-dessus.

Le RINNOVU lui, s’est enrichi de l’apport de Jean-Baptiste ARENA, des déçus de la gestion de la CTC et des accords politiciens de FAC, dont bruisse la presse.

Les 5 000 électeurs qui ont permis la progression de 20 000 suffrages au 2ème tour des législatives risquent donc de s’y fédérer en grande partie et lui permettre de se situer au-delà des 5 %.

Sa fourchette se situerait donc entre 3 500 et 8 000 suffrages.

6 — Les errants

Il faudrait être une Madame Soleil des temps modernes pour chiffrer et savoir comment les électeurs de messieurs ZUCCARELLI & TATTI, ainsi que ceux de messieurs ORLANDI & TATTI vivront une éventuelle réconciliation et sur quels rivages ils iront échouer.

La même question se pose pour les électeurs qui soutenaient la gauche de gouvernement. Une ligne de fracture existe cependant chez ces derniers : les partisans d’une ligne strictement républicaine et les « progressistes ».

D’ailleurs le Président de l’exécutif, en fin politique, l’a compris, puisqu’il parle d’apprentissage de gouvernance avant un référendum d’autodétermination à moyen terme.

7 — L’électron libre

L’hypothèse ici émise est qu’il n’atteindra pas les 5 % (entre 7 600 à 8 200 suffrages) compte tenu des machines électorales qui se mettront en mouvement.

VI — CONCLUSION

Les estimations sont les suivantes :

6

Ce qui est probable, c’est que la participation drainera vers les urnes entre 152 000 (hypothèse basse, 65 % d’exprimés) et 164 000 électeurs (hypothèse haute, 70 % d’exprimés), ce qui donne une estimation des électeurs à convaincre qui varie entre 43 500 et 17 000 pour arriver à ces deux taux de suffrages exprimés :

7

Chacun a pu voir que l’estimation de l’électron libre ne figure pas dans les développements précédents, car pari est pris qu’il ne recueillera qu’une partie marginale des suffrages, sans influencer les suffrages globalement estimés.

Chacun a pu également remarquer que la tendance entre l’hypothèse haute ou l’hypothèse basse n’a pas été donnée pour chacune de ces listes.

Il faut cependant relever qu’une dynamique relevant du tropisme méditerranéen (voler au secours de la victoire) existe en Corse !

Reste qu’il faudra convaincre les 17 000 à 43 500 électeurs non fédérés encore par une liste. C’est dire si le scrutin est encore ouvert…

Sur quelle base fédérer ?

Je n’en vois qu’une : des programmes étayés avec des objectifs quantifiables sur le moyen terme ! Mais cette voie est-elle encore audible dans l’Île ?

Compte tenu des délais qui nous séparent de l’élection, la campagne sera certainement médiatique avec quelques réunions publiques, avec la bataille de l’image, dans le but de montrer les troupes.

Il n’en reste pas moins que des slogans réducteurs tels « la Corse dans la République » ou « Construire ce pays » ne sauraient suffire à susciter une forte mobilisation. Les électeurs sont en train de sortir d’un système claniste et s’émancipent de toutes tutelles.

Il ne faudrait pas que les candidats l’oublient !

 

Roger Micheli

Publicité