CONTRIBUTION : LES INITIATIVES ALTERNATIVES SUR LE PLAN ÉCONOMIQUE. LE DÉVELOPPEMENT PAR L’EXEMPLE D’ACTIVITÉS, DES PLUS SIMPLES AUX PLUS EXTRAVAGANTES

ESS1

INTRODUCTION 

S’il est un sujet sur lequel la Corse se démarque nettement de la France, c’est bien l’économie.

En effet, en France, l’économie et le politique se confondent depuis plusieurs années. On juge l’efficacité d’un président de la République Française sur ses résultats au niveau du chômage et de l’emploi et les débats politiques s’articulent sur le seul aspect économique, y compris lorsque d’autres sujets sont abordés, par le biais de ce prisme.

À contrario, l’île est une terre où les débats de fond comme les initiatives précises font l’objet d’un intérêt très relatif. D’aucuns se plaisent à mettre cette carence sur le dos d’un débat institutionnel « omniprésent » en oubliant de préciser que les périodes où ce dernier était absent n’ont pas pour autant coïncidé avec des périodes de bouillonnement sur la doctrine et l’entreprenariat.

Au fur et à mesure, chaque discours sur l’économie devient caricatural. La vision à court terme, symbolisée par la toute-puissance du tertiaire et l’avènement d’une société de consommation, s’appuie sur l’absence de politiques publiques et d’horizons de développement parallèles pour foncer dans une logique de destruction.

Mais le discours de « rupture », qui pointe souvent des réalités évidentes sur le constat, peine à se démarquer sur le plan de la proposition. Des « tocs » sémantiques reviennent donc avec insistance (« Diversifier l’économie » – « En finir avec le tout-tourisme » – « Créer les conditions d’un développement tout au long de l’année ») sans pour autant qu’une conséquence visible, en terme de projet et d’emploi aboutisse.

Par conséquent, loin des catalogues de bonnes intentions, des chemins de développement concrets peuvent être étudiés. Leur réussite en d’autres territoires et leur « compatibilité » avec une certaine réalité insulaire les rendent légitimes.

Le grand mal de l’économie en Corse reste qu’il s’agit davantage d’un sujet de conversation que d’un sujet d’action. Ce ne sont pas que les politiques publiques qui manquent, mais aussi les acteurs et les initiatives qui peuvent faire écho. Quelques arguments par l’exemple pour y remédier. 

I – DES PROJETS RÉALISTES : PISTES DE DÉVELOPPEMENT POUR L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE

L’Économie sociale et solidaire est un secteur important de l’économie insulaire. Elle représente près de 9% de l’activité de l’île et totalise environ 9000 emplois répartis à travers plus d’un millier d’acteurs.

Cette source d’emploi œuvre dans toute une série de domaines et permet de promouvoir des valeurs et des modes de production et de gestion économique en phase avec la notion de développement durable. Elle offre également des possibilités d’évolution et permet de connecter l’économie à d’autres enjeux majeurs comme la protection de l’environnement, la lutte contre la précarité, l’insertion des publics dits « en difficulté ».

L’Économie sociale et solidaire nourrit aussi l’activité économique « traditionnelle » par des mécanismes permettant de libérer les initiatives du secteur privé (financement via les microcrédits, conseil et aide à l’opérationnalité via les couveuses d’entreprise et autres dispositifs).

Il s’agit également d’un secteur structuré sur l’île, avec la présence d’une Chambre régionale de l’Économie sociale et solidaire (CRESS) et des acteurs habitués à travailler en réseaux et en coordonnant ou en mutualisant les moyens et outils d’action.

Dans bien des cas, l’ESS est l’interface qui offre aux jeunes diplômés de l’Université de Corse un premier emploi correspondant à leur qualification de formation.

Toutefois, l’Economie Sociale et Solidaire est aussi un secteur qui fonctionne via des financements publics importants, notamment en provenance des collectivités, aux moyens de plus en plus limités et aux marges de manœuvre réduite.

Par conséquent, il convient de trouver des pistes de développement suffisante pour l’économie sociale et solidaire, à travers des activités stables, durables et dégageant suffisamment de ressources propres pour pouvoir basculer dans le domaine marchand.

Il s’agira ici de détailler brièvement les pistes concrètes d’activités (A) ainsi que des dispositifs pour optimiser les politiques publiques (B).

A – POUR UNE ÉCONOMIE VERTUEUSE

            1- Dans le domaine productif

L’économie productive, notamment au plan agricole, devient une piste de développement prioritaire pour les acteurs de l’ESS. Elle permet en effet de concilier l’objectif d’insertion par l’activité économique (prioritairement des publics en difficulté : Chômeurs, jeunes, bénéficiaires des minimas sociaux, personnes en situation de handicap, etc.) à un objectif de productivité économique.

À cette double poursuite peut également se greffer d’autres aspects que l’économie productive rend pertinentes : redécouverte du patrimoine historique et matériel, défense de l’environnement, aménagement du territoire.

  • Un exemple de réussite : L’habitation caféière de Grivelière 

Héritage de l’esclavagisme en Guadeloupe, cette plantation était totalement abandonnée jusqu’au milieu des années 1990. C’est à ce moment que l’association Verte Vallée en a fait un modèle d’économie productive de l’ESS.

Elle a décidé de créer des Chantiers d’Insertion (ACI : activité économique permettant l’embauche de personnes en difficulté, encadré par un spécialiste, et visant à redonner du travail aux salariés via des contrats de 6 à 24 mois et un accompagnement en parallèle) dans différents domaines lié à cette plantation :

  • Dans la construction et le travail manuel : Pour rebâtir la plantation.
  • Dans l’agriculture : Pour exploiter à nouveaux les terres.
  • Dans la restauration : En créant une table d’hôte, et servir les produits cultivés.
  • Dans le commerce: En créant une boutique, commercialisant les produits.
  • Dans le Patrimoine : En organisant et animant des visites historiques.

Ces activités, dans un premier temps financées par des dispositifs publics, sont devenues totalement autonomes et fonctionnent désormais sous le joug du secteur privé, en ayant stabilisées des dizaines d’emplois à la clé.

  • Une possible application à la Corse: Les salins de Porto-Vecchio

Sur ce modèle, une activité revitalisant les salins de Porto-Vecchio peut être transposée. En effet, Porto-Vecchio est surnommée « la cité du sel » alors même que ses marais salants sont inexploités depuis plusieurs années.

Pourquoi ne pas envisager dès lors le développement d’activités sur le même modèle :

  • Rebâtir l’exploitation et faire les travaux nécessaires.
  • Ré-exploiter les salins pour en extraire du sel.
  • Installer un restaurant ou une table d’hôte pour le servir.
  • Envisager sa commercialisation dans une boutique sur place (et dans les commerces de la microrégion qui pourront l’utiliser).
  • Installer un espace « musée » (retraçant l’histoire des salins).
  • Aménager une zone de promenade au milieu des salins pour refaire de ce lieu important un endroit que les porto-vecchiais se réapproprient.

2 – Dans le domaine des déchets 

L’actualité récente autour des déchets en Corse a montré un exemple bien marquant du décalage qu’il existe entre une idée que l’on se fait de l’île (Celle d’une terre qui protège sa terre) et la réalité.

Il existe pourtant des modes de développement, via l’activité économique et notamment les acteurs de l’ESS qui permettent de développer un service économique (avec création d’emplois à la clé) et de réduire le nombre de déchets.

Autour de la problématique de réduction des déchets s’articulent la notion de réemploi. Derrière cette notion, qui vise à donner une « seconde vie » aux objets, se trouve 3 grands objectifs qui s’accordent en une seule et même activité :

  1. Développer une activité.
  2. Réduire les déchets.
  3. Proposer un service aux plus démunis.
  • Un exemple de réussite : Les ressourceries de Haute-Provence

Les ressourceries de Haute-Provence, véritable institution dans ce domaine, sont un exemple en la matière. L’objectif consiste à récupérer tous les objets, vêtements, meubles, équipements électroménagers ou DEE qui pourraient faire l’objet d’une réutilisation (petite réparation, peinture, « relooking », couture, etc.) mais dont les gens veulent se débarrasser.

Plutôt que de les envoyer à la déchèterie, les objets sont déposés à la ressourcerie (ou la ressourcerie vient les chercher sur place ou à domicile) pour être remis en état dans des ateliers (petite menuiserie, tapisserie, couture, test électronique, etc.).Ils sont ensuite remis en vente à un prix défiant toutes concurrences, dans des espaces de vente qui sont de réelles boutiques, ce qui permet aux plus démunis de s’équiper, se meubler, s’habiller mais aussi aux curieux et collectionneurs de venir y flairer une bonne affaire.

Réduction des déchets, action en faveur de la lutte contre la précarité, création d’emploi dans des domaines variés (chauffeur et travaux manuels pour charger les produits et les ranger – artisans et techniciens pour les réhabiliter – vendeurs pour l’espace boutique et emplois dédiés à la gestion administrative et comptable)

  • Une possible application à la Corse: Un réseau de recyclerie

Le développement d’un réseau de ressourcerie dans le territoire (1/pieve ?) permettrait d’apporter une réponse par l’activité économique à une problématique environnementale (alors que d’ordinaire, ce sont des réponses environnementales qui font face à des problématiques économiques !).

Elle permettrait, par une aide publique bien inférieure à ce que couterait le traitement de ses déchets, de poursuivre 3 objectifs de politique publique : environnement – précarité – emploi

À noter qu’une part importante de l’activité peut être autofinancement (près de 70% dans certains cas) par la vente en boutique et la création d’ateliers d’éducation et de sensibilisation à l’environnement.

B – POUR UNE INSERTION PAR L’ÉCONOMIE ET L’EMPLOI

            1- Par la mobilité 

Les transports sont souvent abordés en Corse sous le prisme de l’offre aérienne et maritime. Cependant, il existe également une immense carence en matière de politiques publiques concernant les transports internes (réseau routier, ferroviaire et offre de transport public).

En effet, cette absence d’une réelle offre des transports structurée à l’échelle de l’île rend la majorité de la population dépendante à l’utilisation de la voiture. Cette dépendance est ici indispensable à l’insertion économique mais également sociale (alors même que l’ensemble des politiques publiques modernes en la matière cherche à en réduire l’utilisation).

Il existe donc des méthodes pour régler, par l’insertion économique, cette carence qui paralyse la recherche d’emploi (combien de chômeurs sont bloqués dans leur démarche par une absence de permis B ou des moyens insuffisants pour payer un véhicule et/ou l’entretenir ?)

  • Un exemple de réussite : Mobilex en Alsace

La structure Mobilex en Alsace est une structure qui sert d’appui à la mobilité dans toute la région. Ses missions sont multiples, et permettent la création d’emploi et/ou d’activités autour de la mobilité :

  1. Construire des « parcours mobilité » en trouvant des solutions aux personnes qui sont face à une situation problématique concernant la mobilité.
  2. Appuyer les porteurs de projets (garage social, auto-école associative, etc.) en apportant une aide dans le montage de projet et l’ingénierie.
  3. Porter les projets, elle-même, le cas échéant (garage social, auto-école associative, etc.).
  4. Faire remonter aux élus et aux collectivités les problématiques en matière de transport interne.
  5. Sensibiliser les acteurs aux modes alternatifs de transport (covoiturage).
  • Une possible application à la Corse : Une plateforme mobilité

Soutenues par la collectivité, les plateformes mobilités sont des structures qui, sur un territoire donné, coordonnent l’ensemble des dispositifs existants, créent les conditions pour que les solutions manquantes émergent, et suivent les données de la mobilité en permettant aux décideurs publics de posséder les éléments de réflexion pour de prochaines réalisations.

Par conséquent, l’émergence de plateformes mobilités, directement rattachés aux institutions existantes (Mission Locale, Maison de l’Emploi, Pôle Emploi, associations de l’ESS, service social et insertion du Conseil Départemental) entrainera une meilleure utilisation des dispositifs et donc de l’argent public (en orientant les personnes vers les bons dispositifs et en limitant la dispersion des efforts)

Le dispositif a déjà vu le jour à Bastia et gagnerait à s’étendre à d’autres territoires (Aiacciu è u so circondu) mais aussi aux zones dépourvues de transports publics (A Pian d’Avreta, U Fiumorbu, U Centru, A Balagna, U Pumonte, etc.).

            2 – Par la simplification de l’IAE

Un des freins concernant l’économie sociale et solidaire et son application dans les territoires est incarné par la superposition de structures aux compétences et dispositifs qui se croisent.

Des dizaines d’acteurs utilisant des dispositifs propres pour des compétences souvent similaires mais des fonds publics distincts. Dans les territoires où les structures collaborent et travaillent en synergie, une certaine cohérence peut se dégager, mais ce n’est pas le cas de l’ensemble du territoire.

Il convient donc de trouver les voies d’une « unification » et d’une clarification entre les acteurs et les dispositifs qu’ils portent.

  • Un exemple de réussite : les regroupements d’acteurs locaux

Plusieurs territoires ont réussi à s’organiser de manière indépendante, sans attendre que les collectivités puissent régler le problème. Ainsi, un rapprochement géographique et méthodique a vu le jour dans plusieurs territoires (en Aquitaine notamment).

L’idée est de créer des pôles d’insertion, et de regrouper les acteurs de l’IAE dans les mêmes locaux. Cela permet de clarifier les dispositifs dans l’esprit des gens qui ne courent pas après les guichets pour une information difficile à trouver.

Le rassemblement des structures au sein de locaux communs s’accompagne par l’utilisation d’outils communs de travail.

Ces regroupements portent également des messages communs aux collectivités concernant les problématiques de trésorerie notamment, aves des retards de paiement de plusieurs mois ce qui pousse les structures de l’IAE à être dans des situations précaires, en fonctionnant de longs mois sur leurs fonds propres.

  • Une possible application à la Corse: un Audit de l’IAE

La Corse pourrait entamer un audit concernant l’architecture globale du secteur.

Cette étude viserait à faire le point sur l’ensemble des structures et dispositifs existants et proposerait des plans pour les mutualiser et ainsi gagner en lisibilité :

  • En évitant les doublons.
  • En faisant la promotion d’outils communs.
  • En clarifiant les compétences et les rôles de chaque acteur.
  • En œuvrant pour des supports de communication commune (un seul répertoire de l’insertion et de l’emploi à l’échelle du territoire en lieu et place des dizaines de plaquettes imprimés par chaque structure au détriment de toutes réflexions pragmatique et environnementale).
  • En réformant le système de versement des aides et en le responsabilisant à travers son utilisation saine mais aussi son versement dans des délais raisonnables permettant aux acteurs de l’ESS de gérer correctement leur budget.

II – DES PROJETS UTOPIQUES : INTIATIVES STRUCTURANTES POUR LE DÉVELOPPEMENT EÉCONOMIQUE

Au-delà de l’économie sociale et solidaire, qui nécessite une confiance absolue en l’initiative micro-économique et au potentiel local, l’économie Corse manque, dans plusieurs domaines, de réelles locomotives.

Si l’époque des grandes usines et du secteur industriel est une chimère en Occident, à l’heure de la globalisation, il existe pourtant quantité d’initiatives ambitieuses, nécessitant la construction d’infrastructures et la mise en œuvre de projets structurants.

La Corse a souvent été assez fragile concernant les projets de grande ampleur dans le domaine économique. La réalité du territoire, les freins de l’insularité ont été autant d’obstacles à des ambitions de reconfiguration économique.

Les projets d’ampleur ne s’opposent pas aux initiatives de secteurs plus ciblés comme l’économie sociale et solidaire, elles le complètent au contraire.

Il est des pans entiers de l’économie dans lesquels la Corse a été absente : la culture, le sport, le tourisme (dans son organisation) et les enseignes de consommation.

A – DES INVESTISSEMENT D’AMPLEUR À LONG TERME

            1 – Dans le domaine de la culture 

La culture est souvent perçue pour ce qu’elle coute et non pour ce qu’elle rapporte (au niveau social, sociologique et culturel… mais également financier !).

Le cas du Centre de Musique Traditionnelle est un exemple d’une relégation au second rang de ce qui sort du « profit immédiat » et des mauvaises habitudes insulaires en matière de maintien de dispositifs et organismes importants.

Les baisses systématiques des subventions pour les festivals et événements organisés dans l’île (Théâtre, arts de rue, etc.) en sont une autre manifestation. Le seul moyen de renverser la tendance est de faire de la culture un levier économique pour la Corse.

En s’appuyant sur les propos de certains professionnels de la culture et en observant une certaines tendances actuelles, certaines choses peuvent en effet changer.

Plusieurs projets cinématographiques ont en effet vu le jour sur notre île, à l’initiative de locaux (Les Exilés) ou non (Mafiosa – Un moment d’égarement). Au-delà de la promotion de l’île, ses initiatives apportent un intérêt économique (installation d’équipe de tournage, etc.)

Certains territoires en ont même fait des leviers de développement :

  • Un exemple de réussite : les studios de tournage en Nouvelle-Zélande

Lorsque Peter Jackson prépare la réalisation des 3 volets du seigneur des Anneaux, il a pour ambition de le faire dans son pays : la Nouvelle-Zélande.

L’installation d’une telle machine cinématographique sur place a été le point de départ d’un levier économique sans précédents.

Pourtant, à l’origine, le seul aspect que pouvait valoriser la Nouvelle-Zélande fut… la beauté de ces paysages… Cela ne vous rappelle rien ? Mais en s’appuyant sur cet atout, elle a su créer une industrie entière…

  • Une application possible sur l’île : la création de studios insulaires

Plusieurs points doivent s’accorder pour faire de la culture et du cinéma en particulier un levier de développement :

  • Les paysages: C’est un atout considérable. Une équipe de production qui viendrait sur une île comme la Corse pourrait bénéficier de décors très divers avec des zones urbaines, des lieux de montagne, des plaines, des bords de mer, des villages à quelques dizaines de minutes les uns des autres ?
  • Des infrastructures: Il faut en effet que les infrastructures suivent. Sur l’exemple de la réalisation des studios Cinecitta (où les séries Rome et Kaamelott ont notamment été tournées), pourquoi ne pas envisager la restauration totale de certains villages abandonnés pour en faire des décors ?
  • De la technique: Des studios permettant le montage, la création d’effets et l’équipement nécessaire sont aussi un atout supplémentaire. Mais les filières du web, du montage, de l’industrie numérique et artistique sont en pleine explosion…
  • Une fiscalité: Avantageuse et attractive car elle vise à attirer pour une durée déterminée des équipes de tournage. Cet aspect est évidemment conditionné par la maitrise de l’outil fiscal sur l’île.
  • Du Lobbying: en sollicitant la force de la diaspora dans le monde.

L’ensemble de ses infrastructures constituerait une force qui inciterait la culture et la création locale à exploser. Le développement d’une telle activité serait également un garant de la protection de nos sites remarquables puisque ceux-ci constitueraient un attrait pour cette activité économique. Et faire de notre beauté un facteur économique reste le moyen le plus efficace pour le protéger.

            2 – Dans le domaine du sport 

Dans le même ordre d’idée que la culture, le domaine du sport de haut-niveau est aussi un secteur qui peut exploser selon plusieurs professionnels du sport. L’entraineur de l’équipe de France de Handball, Claude Onesta, l’avait d’ailleurs mentionné lors de son passage en Corse pour l’événement SportiCità en 2013.

Les sportifs de haut-niveau (équipes professionnels ou athlètes individuels) cherchent en effet des lieux, à proximité de leur domicile (pour réduire les coûts et éviter les longs trajets) mais totalement dépaysant (pour l’isolement et la concentration), bénéficiant d’infrastructures suffisantes et au climat doux pour envisager des stages à chaque période de l’année.

  • Un exemple de réussite : le sport en Savoie

La Savoie est une région qui a réussi ce pari. L’hiver, la région est animée par la saison touristique, intense et proche à certains égards de ce que nous connaissons ici. En période estivale, certaines villes comme Tignes ont réussi à maintenir une activité par la construction d’infrastructures sportives pour la préparation des athlètes.

Ainsi, chaque été, des équipes de football et des sportifs professionnels entament leur préparation d’avant saison sur place

  • Une application possible sur l’île : des infrastructures sportives dans l’intérieur

Le développement d’infrastructure de qualité permettrait d’essayer d’attirer des équipes européennes ainsi que les sportifs de haut-niveau en leur proposant des installations disponibles en hiver comme en été, avec une température et un climat qui permet la préparation en toute saison dans d’excellentes conditions.

Une réelle réflexion sur le tourisme hivernale et les sports d’hiver en Corse pourrait être entamé pour essayer de créer des parcours sportifs, redynamisant l’intérieur et lui offrant des perspectives de croissance, été comme hiver.

Cette piste permettrait de valoriser l’intérieur par l’activité sportive. Ce double projet (sports d’hiver et infrastructures pour le haut-niveau) permet de coupler les objectifs économiques de l’intérieur avec une revitalisation avec une promotion de son image, et une garantie d’activité durable, créant les conditions possibles pour de futures installations commerciales et ouvrant un horizon possible pour ceux qui souhaiteraient travailler dans leurs villages.

B – DES RECONFIGURATIONS A LA SOURCE

            1 – Sur la formation aux métiers du tourisme

Le Tourisme est le moteur de l’économie dans une grande partie des territoires. Mais en Corse, il est envisagé comme une manne financière à capter et n’est pas organisé dans sa globalité. La Corse a en effet pris l’habitude de faire davantage « des touristes » que « du Tourisme ».

Les effets de cette politique incontrôlée sont depuis longtemps observables dans des territoires comme Porto-Vecchio ou la Balagne : une année coupée en deux, un marché de l’emploi sclérosé par la saisonnalité et une offre d’emploi (touristique) qui ne correspond pas aux formations et qualifications des jeunes locaux, parents pauvres de ce mode de développement qui navigue à vue.

Puisque la Corse sera, à n’en pas douter, une terre de Tourisme durant les prochaines décennies, autant chercher les solutions pour que ce mode de développement soit repensé et que les jeunes corses puissent en bénéficier.

  • Un exemple de réussite : l’Université du Tourisme à Majorque

L’île de Palma de Majorque a été détruite sur le plan culturel et environnemental par un tourisme de masse effréné. Confronté à la réalité de la saisonnalité, une Université du tourisme a vu le jour pour permettre aux jeunes de voir le Tourisme comme un horizon professionnel de développement et non comme la seule voie précaire d’une activité irrégulière et instable.

Elle forme depuis des années les futurs professionnels du Tourisme à travers tous les aspects : gestion d’entreprises de tourisme, mais aussi métiers du service, de la restauration, de l’hôtellerie, en permettant la formation initiale supérieure mais aussi l’immersion au quotidien dans la réalité du métier (les cuisiniers préparent les repas du midi aux autres étudiants dans différents restaurants aux gammes, qualités et prix différents, les serveurs assurent le service, etc.). À l’échelle de Majorque, c’est une mini-révolution puisque cette initiative a permis de faire croitre l’employabilité des jeunes locaux et de construire de réels parcours de formation (contrat saisonnier l’été, formation universitaire l’hiver) cohérent et adapté.

  • Une application possible sur l’île : Une Université du Tourisme

Cette Université pourrait être un pôle d’excellence, et formerait les futurs professionnels du Tourisme, dans la gestion ou l’opérationnalité de cette réalité économique insulaire.

Elle pourrait ainsi réduire le recours aux saisonniers extérieurs et offrir de meilleures perspectives aux jeunes locaux.

Des projets ont déjà émergé, notamment sur Bonifacio, mais tous ont été abandonnés jusqu’alors.

Cette université pourra également faire la part-belle à la coopération transfrontalière en accueillant des élèves de méditerranée mais aussi en permettant à ses propres élèves d’effectuer des expériences dans le bassin méditerranéen (Toscane, Catalogne, Majorque, etc.)

            2 – Sur les modes de consommation 

Alors que l’agriculture et la production locale sont reconnues pour leur qualité, la Corse est une des championnes dans le développement des supermarchés et des grandes enseignes.

Au-delà des habitudes d’achat, ce constat en dit long sur les mutations de la société en Corse. L’événement de l’année n’est plus la fête patronale au centre-ville mais l’ouverture du nouveau fast-food ou du nouveau magasin de meubles et accessoires discount.

Si les supermarchés et les grandes enseignes ne doivent pas être clouées au pilori, car elles permettant aussi en famille ne difficulté financière de survivre, elle ne peut constituer l’alpha et l’Omega de la consommation Corse.

Il serait alors pertinent de promouvoir des enseignes exclusivement orientés autour de la production locale.

  • Un exemple de réussite : les supermarchés « alternatifs » européens

Les scandales sanitaires récents ont entrainé une défiance des supermarchés classiques au point que des initiatives locales voient le jour.

Marchés locaux permanent en Toscane, La Coopérative Ardente en Belgique, Obbio et CoopMercat en Espagne, HiSbe et The People’s Supermarket en Grande-Bretagne, Original Unpackaged en Allemagne : autant d’enseignes qui se servent de la multifonction des supermarchés mais en ne proposant quasiment que des produits locaux.

L’idée d’utiliser des « codes » propres aux grandes enseignes rassure le consommateur. Il trouve tout au même endroit, à une place pour se garer… Mais au lieu de consommer des produits de multinationales, il rémunère le berger et l’agriculteur à 15 km de chez lui…

  • Une application possible sur l’île : Une enseigne de vente « 100% insulaire »

La création d’une enseigne de vente exclusivement de produits corses nécessite une production et une demande suffisante, à un prix raisonnable pour être substitué aux marques traditionnelles. Mais elle nécessite aussi une coordination et une harmonisation des méthodes de commercialisation sur toute l’île.

Ouvrir un vaste chantier avec les producteurs corses pour chercher les voies de la création d’une telle structure peut être étudiée.

CONCLUSION 

Comme vous l’avez vu, cette contribution n’a pas pour ambition d’être exhaustive ou universitaire. Elle fait uniquement le point sur des pistes de développement concrètes dans différents secteurs de l’économie, issues d’une réflexion ou d’une expérience.

Certaines sont applicables immédiatement, d’autres sont des projets (que d’aucuns jugeront farfelus) qui nécessitent surement des années de travail.

Voyez davantage ses quelques lignes comme une « boite à idées » que chacun peut compléter.

J’ai volontairement scindé les éléments objectifs de réflexion et les idées plus extravagantes pour laisser au rêve et à l’ambition démesurée une place réelle. Tout n’est pas né du principe de réalité et du pragmatisme à l’aune du seul regard présent.

À ce titre, le parallèle avec des initiatives ailleurs dans le monde vise à faire comprendre que rien n’est impossible par définition.

La Guadeloupe n’a pas une avance incontestable sur la Corse, Majorque est dans une situation touristique plus défavorable que la nôtre, la Savoie connait le handicap de la montagne et de la ruralité à certains égards.

Au-delà des plans d’action, ce sont les entrepreneurs et les innovants de demain qui feront l’économie davantage que les élus.

Il faut responsabiliser les investisseurs et les chefs d’entreprise.

Un investisseur qui décide de créer une activité durable plutôt que de construire un énième immeuble ou camping fait un acte bien plus efficace que toutes les lignes rédigées par des techniciens.

L’économie appartient à ceux qui la feront. Derrière chaque projet, posons-nous la question suivante : vais-je laisser quelque chose de durable et de profitable au territoire à travers cette activité ? Et essayons d’y répondre par l’affirmative le plus possible.

Vincent Gambini

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