Face au monde, à son sel et son miel quotidien, les uns disent « tout est bien », les autres doutent, s’interrogent, réfléchissent.
Je suis plus enclin au deuxième comportement, ne serait-ce et c’est déjà assez, que l’histoire du 20ème siècle nous a enseigné que les dictatures n’ont jamais prouvé que leur système, le « tout est bien », loin d’apporter le bien être au peuples qu’ils prétendaient servir, le maintenait dans une tyrannie de bon aloi.
- D’où vient l’incompréhension ?
- D’où naît le rapport de force qui détruit plus qu’il ne construit la société ?
- D’où part le chemin vers l’émancipation des hommes et des femmes ?
- D’où commence la métamorphose de la conscience ?
- D’où l’humanité jaillit-elle ?
Ces questions peinent à trouver réponses. Je propose d’y réfléchir suivant les deux observations suivantes :
- la première basée sur la conception de l’homme comme une composante quelconque du genre humain, que j’appelle Invisible,
- la deuxième basée sur la conception de l’homme comme entité particulière portant en lui une part de richesse et de spécificité qui fait son être, que je qualifie d’Un Visible.
1 – Le comportement du genre humain désireux de faire corps en une société
La société est l’aboutissement d’une volonté commune d’hommes désireux de se réunir. Leur association repose sur des mœurs et coutumes qu’ils pratiquent et souhaitent partager dans le respect mutuel.
Mais nombreux sont ceux qui s’emparent de ce noble destin pour partager le mensonge et malheureusement pour lui donner un caractère de vérité absolue et sacrée.
Malheur à ceux qui se lèvent face à ce rouleau compresseur. Le fameux propos « si tu n’es pas avec nous, tu es contre nous !!! » se suffit à lui-même pour déclencher la peur dans les esprits faibles des hommes « paillassons ».
Au fil du temps , la folie est venue se poser son voile sur la conscience de certains, qu’ils soient maîtres et esclaves, les seconds étant bien sur plus nombreux….
La Corse vit elle aussi ce drame, celui du pouvoir comme fin. Ceux qui y aspirent sont prêts à tous les mensonges pour monter et rester dans le fauteuil, sur le trône, quelle que soit la taille et l’importance de l’institution visée. Survient alors le drame du «Vae Victis », déclanchant le ressort de la réaction face à l’injustice, alimentant un conflit sans fin entre ceux qui se sentent opprimés et ceux qu’ils perçoivent comme oppresseurs.
2 – Pourquoi la raison déraisonne chez ceux qui voulait s’unir pour construire ?
La force sans la raison enferme la conscience depuis des siècles.
Depuis la nuit des temps la force règle les rapports : « Polémos est père et mère de toute chose » est une sentence attribuée à Héraclite ( 5 siècles avant JC).
Il existe des forces naturelles telles celle qui fait se lever et se coucher le soleil, celle de la mer qui vient et se retire inlassablement. La nature est « force en mouvement ».
L’homme aussi est « force en mouvement », celle qui aspire à réunir les hommes pour concourir au bien être de tous, au bien vivre ensemble et au respect mutuel.
Mais un vilain démiurge enferme la conscience depuis des siècles, en rompant le lien entre force et raison.
Dans notre île, cette rupture du lien entre force créatrice et raison raisonnante fabrique des hommes sans conscience et aboutit à ce que l’on appelle communément le « système corse », avec sa composante clientéliste, souvent dénoncé, mal combattu par les faux « parangons de la raison » et parfois reproduit par ceux qui le dénonçait .
Je constate avec quelque amertume que cette situation était déjà décrite il y a plusieurs millénaires : « Nous voici esclaves sur la terre que Dieu a donné à nos pères pour qu’ils jouissent de ses fruits et de ses biens. » (AT, Livres historiques, Néhémie, 9-36)
Elle nous invite à méditer sur la faible roseau qu’est l’homme.
3 – D’où vient cette force qui instaure la primauté de la déraison ?
Elle s’illustre au quotidien par l’acceptation du fait que la parole publique contient une part de promesses, (pensez au réenchantement du rêve français promis par l’actuel Président de la République), que nul ne tient comme possible et qui peu à peu se transforme, en un mensonge institutionnalisé, que le fil de l’actualité qui déverse tel une corne d’abondance des nouvelles de toute sorte provenant de tous le recoins de la planète s’empresse de faire oublier à la conscience de chacun.
Se conjuguent alors force du mensonge et ignorance des hommes. Ce curieux mélange favorise l’asservissement.
Pourtant, il est facile de comprendre que le mensonge dure le temps du menteur et il est surprenant d’observer qu’après chaque élection les nouveaux élus perpétuent le mensonge établi en règle commune qui s’impose inconsciemment à tous.
Il est tout aussi choquant de voir s’installer dans les fauteuils des assemblées pendant 10, 20, 30 ans ou plus les mêmes hommes, sans rendre de compte sur la production de leur travail. Seul le mensonge est assourdissant dans les rues et les médias : le réenchantement tourne au cauchemar.
Mais la réalité, elle, est là : la force du mensonge et l’ignorance des hommes permettent la perpétuation.
4 – Que dire, que faire face à la force qui tire substance de la raison déraisonnante ?
Où sont les propositions et la force de l’intérêt collectif originel ? Où sont les hommes et où est le peuple ?
Dans la vie des hommes, il est un moment où la prise de conscience peut et doit apparaître pour libérer l’action émancipatrice.
Face à l’avidité, à l’orgueil des puissants j’en appelle à la « volution ».
Le mot s’emploie communément pour désigner un mouvement en spirale, comme un mouvement ayant pour but d’entraîner vers le haut.
Je lui donne un autre sens : celui d’aller vers l’autre, seul remède pour ne pas se retrouver dans un le système barbare décrit par Emmanuel Levinas tout au long de son oeuvre, comme seul remède face à la négation absolue de l’humanité qui repose selon lui par :
- la négation de la différence,
- la négation de l’altérité de l’autre,
- et l’affirmation d’une identité exclusive et destructrice.
L’actualité récente en matière de traitement des déchets démontre qu’il ne s’agit pas que d’une réflexion théorique mais aussi d’une réalité saisissante. Le traitement des déchets de l’île concerne tout le monde : pauvres et riches, ignorants et sachants, bons et mauvais. La situation dans laquelle nous sommes démontre, elle, l’impuissance de ceux qui sont censés y apporter des solutions pour le bien commun.
Face à l’injustice provoquée par ces errements, des femmes et des hommes de Corse, de Vico, se lèvent et demandent des explications jusqu’à devoir se mettre en colère, face aux « présumés responsables ».
J’en reviens donc à Levinas pour faire appel à la primauté de la conscience et de la raison sur la force institutionnelle :
- Pourquoi nier la différence de point de vue alors que la réalité démontre que le point de vie dominant, la doxa, à conduit à l’échec ?
- Pourquoi nier l’altérité de l’autre, c’est à dire le fait d’examiner en toute humilité et en toute honnêteté ses propositions ?
- Pourquoi s’arc-bouter sur l’affirmation d’une identité d’analyse exclusive et destructrice au mépris de l’analyse fondée de l’autre ?
Le respect de l’autre est le germe porteur du progrès. Il se caractérise par un compromis, c’est à dire par la meilleure réponse à un problème donné, dans une situation donnée et si possible une réponse pérenne, à défaut devoir ressurgir le problème.
C’est ce lien avec l’autre, cette confiance est la possibilité créatrice de l’autre qu’il convient de rebâtir sur un postulat simple : la restauration du lien conscient libère du mensonge !
5 – Conclusion : parions sur l’optimisme, le travail et le courage !
Si les hommes dirigeaient leur yeux, leur intelligence et leur volonté vers la table où est posée la carte, le travail se ferait et se verrait de tous.
En tant que libre penseur, je pense que la « volution », cet élan vers l’autre, est de nature à aider la société à s’élever et de concourir au bien-être commun.
Cet élan vers l’autre est un moyen de s’opposer à la force obscure qui se cache entre les paroles détournées et les silences complices.
Aussi je vous encourage, je nous encourage à dire inlassablement les faits, à accepter l’imparfait tout en observant ses effets avant de rectifier, à répéter inlassablement les propositions, à chercher inlassablement les bonnes solutions en associant la force et la raison .
Pour les citoyens lucides (litote ….) , le fait de demander des comptes aux élus en les invitant à la table où est posée la carte de la réalité sous tendue par les principes philosophiques énoncés dans mon propos est un devoir, un devoir d’Un Visible pour reprendre ma remarque introductive.
Le travail d’un collectif uni sur le commun peut apporter propositions et bonnes solutions…..sur le chemin de l’émancipation .
Pascal Bruno
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