SEPTIÈME PARTIE : QUEL CHEMIN POUR LA FRANCE ?
1 – Un peu d’histoire
Lorsqu’elle l’a été la dette a été maîtrisée (on parle de consolidation de la dette) après l’élection d’un nouveau gouvernement à la suite d’une campagne électorale menée sur ce thème. Ce fut le cas en Australie (1984), au Canada (1993), Danemark (1983).
Au surplus dès lors qu’une telle politique était engagée, les mêmes efforts budgétaires se poursuivaient avec des majorités différentes. En Suède les consolidations débutant en 1981 et 1993, ont été poursuivies par des gouvernements qui ne les avaient pas engagées. Aux États-Unis, la consolidation budgétaire engagée par Bill Clinton en 1993 avec une majorité démocrate fut poursuivie avec une majorité républicaine jusqu’en 2000.
Cela signifie qu’il s’agit d’un bouleversement politique au sens noble du terme, engageant la nation dans un effort collectif de long terme qui requiert l’adhésion de la population, car elle a compris que la situation était grave.
Evidemment des exemples comme ceux du groupe Total, rapatriant en France ses filiales implantées dans des paradis fiscaux faciliteraient la chose. Evidemment la lutte contre l’exil fiscal et les rémunérations immorales faciliteraient la chose. Mais dans un contexte de prise de conscience généralisée, le gouvernement a les moyens de convaincre les uns et les autres de montrer l’exemple.
Dans un effort de maîtrise de dépenses les dépenses d’investissement sont les plus faciles à diminuer car elles ont beaucoup moins d’impact politique que la baisse des dépenses de fonctionnement qui touchent les salaires, la redistribution sociale et les transferts aux collectivités. Mais elles ont le mérite de préparer les lendemains alors que la hausse des dépenses de fonctionnement ne fait qu’aggraver la situation.
Les consolidations suédoise et finlandaise de 1993-97 ont été marquées par un effort sur des changements structurels privilégiant la croissance et l’innovation. Avec l’adhésion des partis politiques et des partenaires sociaux, les gouvernements ont pu réduire les dépenses sociales très élevées jusque là, diminuer et rationnaliser les dépenses de fonctionnement, renforcer la R&D, l’enseignement supérieur et la formation professionnelle. Les partenariats publics privés ont été systématiquement encouragés.
2 – Le nouveau contexte européen
Il existait jusqu’ici une pensée dominante selon laquelle le déficit public était un mal en soi. Or l’investissement public en innovation et en infrastructures, augmenté par la coopération des entreprises, est un facteur majeur de croissance. C’est du bon déficit générateur de recettes futures.
Aujourd’hui l’UE longtemps dominée par le strict dogme de la maîtrise à tous prix des déficits a évolué d’une part avec le plan Juncker qui a vocation à financer directement des investissements en infrastructures et avec la mise en place l’assouplissement quantitatif, qui pourrait permettre de mettre à disposition des entreprises désireuse de se développer des capitaux à des taux réduits.
Mais cela ne dispense pas la France de mener son propre effort sur la maîtrise de ses dépenses et si la situation le permet, d’améliorer ses recettes. Pour ce faire il convient d’avoir une vision globale de la manière dont fonctionne l’économie de la France. Les biens et services dont elle dispose proviennent de sa production propre (son PIB) et de des importations. Elle utilise ces ressources (les biens et services) en consommant (63%), en exportant (19 %) et en investissant (17,5%) :
La maîtrise des dépenses
Maîtriser ses dépenses cela signifie agir sur les salaires de la fonction publique et diminuer ses dépenses de transferts vers les collectivités locales en simplifiant son organisation administrative et celle des collectivités locales.
Il faudra commencer par les dépenses de l’Etat représentant 95 % du total des ses dépenses, celles relatives à ses services généraux, à la protection sociale, à l’enseignement, aux affaires économiques, à la défense (ponctionnée depuis de nombreuses années car elle est la grande muette) et l’ordre et la sécurité. Cela aura une incidence sur la charge de la dette, puisque le besoin de financement diminuera.
L’amélioration des recettes
Les actions visant à améliorer les recettes doivent tenir compte de l’évolution des grandes composantes de l’économie du pays :
stable dans le mode l’utilisation du total des biens et services utilisés (61%), une hausse des exportations qui correspond en lien avec l’augmentation de la valeur du PIB (les exportations qui représentaient 21 % du PIB en représentent 28 % en 2013). Mais la part l’investissement dans le mode l’utilisation du total des biens et services utilisés baisse (- 3%) sur la période. D’ailleurs l’investissement ne représente plus que 22 % du PIB en 2013, alors qu’il en représentait 24 % en 1980.
Comme les recettes provenant des impôts ont fortement progressé, passant de 110 Mds d’€ en 2010 à 144 Mds d’€ en 2013, soit une augmentation de 34 Mds sur 4 exercices, soit une augmentation moyenne de 8,5 Mds d’€ par an, cette ressource est épuisée.
Reste la TVA dont le total des recettes a faiblement progressé : de 136 Mds d’€ en 2010 à 144 Mds d’€ en 2013, soit 8 Mds d’€ en 4 exercices, soit une augmentation moyenne annuelle de 2 Mds d’€, dont une partie est en lien avec la croissance (2% en 2010, 2,1 % en 2011, 0,3 % en 2012 et 2013), croissance qui repose à plus de 60 % sur la consommation des biens et services produits en France et de ceux qui sont importés.
Toute hausse de la TVA provoque d’abord une légère hausse de l’inflation. Suivant la Banque de France (Quels sont les effets sur l’inflation des changements de TVA en France ? – Bulletin de la Banque de France • N° 194 • 4e trimestre 2013) lors du passage du taux normal de TVA de 18,6 % à 20,6 %, en 1995, il résulte que l’impact sur l’inflation est de 0,8 point de pourcentage : l’inflation de 0,9 % en 2013 passerait à 1,7 % et celle de 2014 de 0, 5% passerait à 1,3 %. Si l’inflation reste faible, en deçà de 2% c’est de la bonne inflation. Au-delà elle se répercute sur les taux d’emprunt et alourdit la dette.
D’un point de vue économique, l’inflation peut être favorable à certaines situations. C’est le cas notamment des emprunts à taux fixes : si l’inflation augmente, le débiteur continue de payer la même somme chaque mois, mais les intérêts perçus par la banque sont diminués de l’inflation. Donc en réalité, le prêt remboursé revient moins cher qu’au départ au débiteur. De plus, l’inflation finit par entraîner une hausse des salaires : mais comme cette hausse s’exécute toujours en décalage, la baisse du pouvoir d’achat provoque des tensions sociales, avant qu’intervienne un certain retour à l’équilibre. Si une moindre hausse des salaires, y compris celle des dirigeants, est consentie dans le cadre d’un effort national, la compétitivité de l’économie sera renforcée et permettra de créer de l’emploi.
Toute hausse de TVA est ressentie comme injuste car frappant les plus démunis au même taux que les plus riches. Mais elle a le mérite de rendre plus chers les produits importés. En l’associant à une baisse des cotisations sociales (donc une baisse d’une partie des recettes globales) elle permettrait aux entreprises françaises de vendre moins chers leurs produits à leurs pays voisins. Ce serait une baisse des prix à l’exportation, mais seulement vers les pays de l’UE, car l’écart de prix à la production est trop important avec les pays du tiers monde et de la Chine (charges sociales inexistantes et conditions de travail sans commune mesure). Mais la difficulté est de prévoir ce que feront les entreprises de ce surplus de TVA (qui donnera également lieu à de la fraude). Si elles répercutent le surplus des ventes hors du territoire national, par une baisse des prix en France la consommation s’améliorera. Si elles ne le font pas et renforcent leur fonds propres, alors la hausse de TVA aura un effet récessif sur la consommation et finalement sur le PIB.
On mesure à travers l’exemple de l’usage fait par les entreprises du surplus de recettes combien, l’effort de redressement nécessite un accord démocratique large et également un accord des acteurs économiques. Or pour le moment les Français sont dans une attitude de protection de leurs intérêts catégoriels, largement alimentée par les oppositions respectives depuis 35 ans, au travers d’un manichéisme qui n’a plus lieu d’être face au défi de la dette publique.
Aussi convient t-il de rappeler qu’une hausse de 2 points de TVA provoquerait une inflation totale inférieure à 2 % et un surplus de recettes de 14,1 Mds d’€ soit de quoi compenser 50 % du solde primaire de 2013 !
Le défi du prochain Président de la République sera de faire prendre conscience aux français de ce défi, de proposer une socle d’objectif qui recueille l’assentiment d’une large majorité et de les mettre en œuvre rapidement en utilisant également le référendum pour passer outre aux blocages des représentations catégorielles, toujours dans la 1ère année d’élection. A défaut les vieux réflexes reprendront le dessus.
« Fora u dente, fora a pena »
La suite dans un prochain article…
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