TRIBUNE LIBRE : REFORME INTITUTIONNELLE

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Dans le prolongement de la démarche du Comité Stratégique formalisée au travers des travaux de la « Commission CHAUBON », il convient d’amorcer une étape qui devra être marquée du sceau de l’ambition et de l’efficacité.

Pour cela, il s’agira de dégager une vision stratégique claire qui devra nous permettre de fédérer de façon transversale une majorité de la représentation politique insulaire ; cella ne pourra se faire dans le cadre contraint de l’actuelle réforme territoriale. En effet, vouloir prendre le train de cette réforme bâclée, risquerait de nous « lier pour des décennies » (dixit François HOLLANDE), alors que depuis l’Acte Ier de la décentralisation, nous nous sommes toujours bien gardés de nous fondre dans le droit commun des régions.

Notre démarche devra avoir pour socle l’actuel Statut Particulier que nous demanderons de réformer ou de refondre sur les bases de nos propositions propres.

Cette « première phase constitutionnelle » de refondation statutaire devra constituer l’assise d’une « revendication autonomique » ou « autodéterminationnistes » ; formellement, elle pourrait se concevoir autour d’une proposition visant à inscrire dans la constitution française le principe de la création d’une « Collectivité Unique Autonome de Corse ».

Une « seconde phase post constitutionnelle » aura pour objectif de donner un contenu au statut d’autonomie préalablement reconnu constitutionnellement.

1) La « première phase constitutionnelle » : la revendication autodéterminationniste ou du droit à l’autonomie (inscription dans la notion de Collectivité Unique Autonome de Corse) 

Notre axe stratégique devra nous amener dans les prochains mois à développer un discours autodéterminationniste qui pourrait se cristalliser sur le droit à l’autonomie de la Corse ; il s’agira de faire émerger cette revendication au sein de toutes les forces politiques afin que cet objectif soit perçu de façon homogène par la grande majorité de la société corse.

Notre objectif, à très court terme, consistera à faire en sorte que, tant la Gauche socialiste ou radicale, voire une frange communiste, que la Droite parlementaire, se fassent l’écho de l’exigence d’autonomie traversant une majorité de notre Peuple.

Cet objectif, s’il est atteint, présenterait plusieurs intérêts :

– d’une part, il permettrait d’initier dans la phase électorale qui s’annonce, une dynamique de recherches de convergences centrée sur une volonté commune : l’exigence d’une voie institutionnelle autodéterminée ;

– d’autre part, il permettrait de fragiliser un peu plus les forces politiques traditionnelles en les amenant sur ce terrain ;

– par ailleurs, il permettrait d’éviter les écueils des oppositions Droite-Gauche faisant le jeu du conservatisme et de « combinazione » stériles ;

– enfin, il permettrait de porter le discours autodéterminationniste, de façon unitaire, face à l’Etat, sur la base d’une seule revendication, à savoir, l’inscription dans la constitution française d’une « Collectivité Unique Autonome de Corse ».

Cela engendrerait donc la réforme ou la refonte de l’actuel statut dans le cadre d’un débat post constitutionnel qui aurait pour mission de définir le contenu de l’autonomie, en essayant de la pousser à son maximum.

2) La « deuxième phase post constitutionnelle » : la définition du contenu de l’autonomie (les compétences de la Collectivité Unique Autonome de Corse) 

Scinder la dynamique autodéterminationniste en deux phases vise à éviter les impasses rencontrées tout au long du processus de la « Commission CHAUBON », à savoir, le « saucissonnage » de la revendication d’émancipation politique et la spirale infernale de l’opposabilité d’inconstitutionnalité, le Gouvernement, le Parlement, le Conseil Constitutionnel ayant beau jeu de retoquer systématiquement chacune des propositions, le Pouvoir n’ayant jamais été appelé à s’inscrire dans une démarche de règlement politique global. A la lumière des tâtonnements ayant prévalu lors du Processus de Matignon jusqu’aux derniers travaux de la « Commission CHAUBON », il convient aujourd’hui de tirer un trait sur un méthode ayant toujours évacué la problématique de fond, à savoir la volonté clairement partagée et assumée de donner au dossier corse une dimension politique globalisée.

Il apparaît donc urgent d’amener l’Etat à faire preuve de pragmatisme et de volonté, afin de « terminer un conflit » de 50 ans, et d’en accepter la dimension politique mais également émancipatrice.

Pour ce faire, il conviendra d’amener l’Etat et ses représentants élus et ses institutions, à :

– se départir tout à la fois de la perpétuation d’une pratique d’instrumentalisation d’un drame ;

– se détacher de l’immédiateté de la communication et s’extraire des contingences politiques inhérentes au caractère  présidentialiste du régime ;

– s’éloigner des pulsions xénophobes et vindicatives d’une partie de l’opinion publique française ?

Dans cette perspective, les nationalistes ont déjà su prendre les initiatives majeures en acceptant notamment de tirer définitivement un trait sur un moyen de lutte qui a eu une place centrale et tenu un rôle capital depuis 1976, mais qui pouvait constituer une entrave à toute évolution favorable de la situation en termes de sortie de crise, d’émancipation démocratique et d’avancées institutionnelles conséquentes.

Dès lors, une nouvelle phase peut s’engager dans les rapports de la Corse avec l’Etat, déconnectée des logiques propres à l’actuelle réforme territoriale ; une phase marquant une volonté de traiter le dossier corse sous ses trois acceptions, à savoir :

– la manifestation d’un conflit politique bi-séculaire ;

– l’expression d’une volonté d’émancipation ;

– la revendication d’un statut exorbitant du droit commun français.

Cette approche ne devra intégrer aucun préalable et ne pourra occulter une phase initiale de nécessaire conciliation, c’est-à-dire l’acceptation et la reconnaissance par l’ensemble des parties prenantes, de torts et responsabilités partagés et revêtant un caractère historique.

3) Le « devoir de cicatrisation » : pour un « processus de réconciliation » 

Le devoir de cicatrisation est une donnée qui n’a que très rarement été évoquée, si ce n’est, de façon partielle, informelle, et personnelle par Michel ROCARD alors Premier Ministre ; or, si nous voulons que se concrétise enfin une réelle stratégie de sortie de crise, il faudra bien qu’un jour l’Etat reconnaisse l’existence de cette crise, qu’il reconnaisse aussi dans quelle mesure il a lui-même contribué à l’alimenter depuis des décennies, voire des siècles.

– « Nos actions passées ont mené à l’affaiblissement de l’identité des autochtones, à la dispersion de leur langue et de leur culture et à l’interdiction de leurs pratiques spirituelles » (Déclaration de Réconciliation prononcée par le ministre canadien des Affaires Indiennes le 7 janvier 1998) ;

– « Au nom du gouvernement, je voudrais en cette circonstance solennelle présenter des excuses officielles au peuple autochtone ; la société ne pourra aller de l’avant qu’à partir du moment où elle aura fait amende honorable de ces abus de pouvoir » (Discours du ministre suédois des Affaires Laponnes daté du 9 août 1998) ;

– « L’Etat cherche pour le compte de tous à réparer ces injustices qu’il a reconnues, pour autant que cela soit possible à l’heure actuelle, à commencer le processus de cicatrisation et à entrer dans un nouvel âge de coopération avec les autochtones » (Déclaration faite au nom de la Reine d’Angleterre par le Premier Ministre de Nouvelle Zélande, le 22 mai 1995). Les auteurs de ces trois déclarations qui s’expriment au nom de la puissance publique, affirment deux choses fondamentales :

– d’une part, qu’il existe un « peuple autochtone », dont ils reconnaissent l’existence, la légitimité et l’antériorité sur sa propre terre ;

– d’autre part, que le comportement de l’Etat envers les autochtones a été injuste et qu’il convient de le réformer. Les représentants de l’Etat français se sont toujours refusés à s’engager sur cette voie car ils n’ont jamais voulu se mettre en situation de reconnaître leurs torts historiques envers un Peuple dont ils ont toujours dénié l’existence, et encore aujourd’hui.

Hors cette démarche est nécessaire si l’on veut construire un avenir apaisé pour la Corse, si l’on veut redéfinir le contrat entre Paris et la Corse, si l’on veut s’attacher à un véritable règlement politique ; car il y a un temps, de part et d’autre, pour les excuses, les regrets, « la mémoire des fautes » (Préambule des Accords de Nouméa).

PREMIERE ETAPE DU PROCESSUS : L’INSTALLATION D’UNE MISSION OECUMENIQUE POUR LA RECONCILIATION 

L’idée pourrait être avancée, très vite, de la mise en place d’un Mission Œcuménique Pour la Réconciliation ; celle-ci aurait pour objectif la recherche d’un nouvel équilibre, de nouvelles relations entre les Corses et l’Etat français. Afin de renouer les fils du dialogue, des personnalités de formations et d’’horizons divers, Corses ou composantes de la société française, travailleraient à la reconnaissance officielle d’un passé douloureux afin d’ouvrir des perspectives politiques nouvelles et permettre l’existence d’un Peuple corse jouissant de ses droits.

DEUXIEME ETAPE DU PROCESSUS : LA SIGNATURE D’UNE DECLARATION DE RECONCILIATION 

A l’issue des travaux de la Mission Œcuménique Pour la Réconciliation, pourrait suivre la signature d’une « Déclaration de réconciliation » par les représentants de la puissance publique (Etat, Collectivité Territoriale, autorités morales, religieuses et culturelles), un acte réellement nécessaire et incontournable, tout aussi important que peut l’être une consultation référendaire sur l’avenir de l’Ile. En tous les cas, cette signature doit devancer toute autre initiative si nous voulons éviter que l’avenir de la Corse et des Corses soit bradé, au détour de deux échéances électorales, sur l’autel de la seule décentralisation administrative. L’ensemble du Mouvement National, mais au-delà les femmes et les hommes de bonne volonté, devront se mobiliser pour verser cette proposition dans le débat public afin que la représentation insulaire puisse, d’une part, valablement et légitimement rejeter un énième statut octroyé, d’autre part, imposer son projet alternatif et enfin engager de façon volontariste les travaux d’élaboration de ce même projet. La société civile, mais également la communauté universitaire et le C.E.S.C. pourraient relayer cette démarche et servir de supports officiels au travail de réflexions, contributions diverses, voire de l’élaboration de la Déclaration. Ce n’est qu’à partir de la formalisation de cette Déclaration que nous pourrons nous attacher à l’élaboration d’un projet alternatif pour la Corse, dont elle constituera le Préambule.

Les objectifs de la Déclaration de Réconciliation pourraient notamment être :

-la reconnaissance de torts partagés dans la crise corse (Administration française, élus, nationalistes) ;

-la reconnaissance de la spécificité corse par rapport au cadre français (du point de vue historique, culturel, des us et traditions) ;

-l’affirmation d’une volonté de préserver l’identité corse ;

-l’affirmation d’une nécessaire réforme au fond de la question corse sur la base d’un projet élaboré en Corse ; -la décision de rupture avec la tradition républicaine dans le traitement de la problématique des minorités nationales ;

-la concrétisation d’une refonte du Contrat Social, du Pacte républicain entre Paris et la Corse sur la base d’un Pacte de Gouvernement spécifique et d’un Projet alternatif étapiste.

TROISIEME ETAPE DU PROCESSUS : L’OUVERTURE DE NEGOCIATIONS SUR LES EVOLUTIONS STATUTAIRES AU SEIN D’UN NOUVEAU CONTRAT SOCIAL ET D’UN PACTE DE GOUVERNEMENT 

C’est l’ensemble de ces engagements, initiatives et décisions qui pourraient être insérées dans un « Pacte de Gouvernement » pour les 5, 10 ou 15 prochaines années. Cette volonté de régler au fond la question corse doit se concrétiser, 

– Du côté de l’Etat, par la prise en compte d’une citoyenneté corse, « la Refonte du Contrat Social » et « la révision du Pacte Républicain » de 1789 ;

– Du côté de la Corse, par la confirmation d’un « droit à l’autodétermination » et l’élaboration d’un projet de « Collectivité Unique Autonome de Corse ». La phase suivante viendra conclure le Processus d’apaisement ; elle prendrait nécessairement la forme d’un « Accord de Paix ».

QUATRIEME ETAPE DU PROCESSUS : LA RATIFICATION D’UN « ACCORD DE PAIX » 

a – Un impératif, engager des discussions avec Paris 

En tout état de cause, et afin que toutes les parties concernées soient en mesure de répondre à ces interrogations essentielles, une nécessité ne peut être contestée : le dialogue initié, en son temps, à Matignon doit être renoué de façon urgentissime quel que soit le qualificatif qui pourra lui être accolé. Car un accord politique digne de ce nom ne peut se fonder sur une proposition politique conduite à la hussarde, et surtout ne peut que s’appuyer sur une méthode tenant compte des aspirations reconnues légitimes des Corses, formalisées in fine en termes juridiques. Il ne s’agit pas de produire un statut de plus ou une énième modification de l’existant, mais bien de s’accorder sur les conditions d’une souveraineté partagée ; sur cette base, pourquoi ne pas ambitionner clairement de voir s’ériger l’Ile en « Pays à souveraineté partagée » dans un cadre reconnu par la constitution, celui d’une « Collectivité Unique Autonome de Corse » ? Les phases contemporaines de négociations des ères DEFERRE, JOSPIN ou SARKOZY ne sont pas allées au bout des choses puisqu’elles ne se donnèrent pas pour objectifs : – de dégager une option de large émancipation ; – de redéfinir fondamentalement les relations de la Corse avec Paris ; – de bâtir un projet de société ; -de conclure et concrétiser ces objectifs par un véritable « référendum de sortie de crise ». Aussi, si nous voulons enfin dégager l’avenir commun entre PARIS et la CORSE, il conviendra impérativement de prendre d’extrême urgence deux initiatives majeures, à savoir :

-proposer une consultation référendaire portant sur une réforme institutionnelle clairement formulée (Collectivité Unique Autonome de Corse);

-y accoler un chapeau politique clarifiant les intentions fondamentales des rédacteurs (redéfinir le cadre des relations entre la Corse et Paris dans la perspective de l’établissement d’une souveraineté partagée).

Dans la même logique, il convient de rappeler aux gouvernants qui auront en charge cette initiative, que toute nouvelle consultation ne pourra marquer une fin en soi, car la Corse aura besoin d’un lent processus de réforme évolutif, incluant de nombreuses étapes.  

b-  interpeller l’Etat qui doit assumer sa part de responsabilité et afficher clairement sa volonté de rechercher les voies et moyens d’une solution politique globale 

Dans ces conditions, dès lors que les discussions auront repris, et alors seulement, l’ensemble de la représentation élue devra poser au Pouvoir une série de questions essentielles, susceptibles de révéler son degré de volonté d’aboutir à un règlement politique apaisé et progressif de la question corse.

Ces questions pourraient être les suivantes :

-l’Etat est-il prêt à entrer dans un processus corse spécifique, se situant en dehors du simple cadre de la future réforme territoriale, hors donc du droit commun de la décentralisation? -est-il prêt à cadrer politiquement les discussions à venir, en admettant le principe de spécificité statutaire au profit de la Corse (en tant que collectivité historique, culturelle, périphérique et insulaire) ?

-est-il prêt à inscrire ce principe dans une réforme constitutionnelle appropriée ?

-est-il prêt, dans le même esprit, à accepter que cette spécificité statutaire puisse revêtir la forme de l’autonomie interne, ou de la dévolution de pouvoirs législatif et réglementaire ?

-est-il prêt, après tenue d’une campagne officielle radio-télévisée permettant un exposé pédagogique équitable sur l’ensemble des propositions envisagées, à organiser un référendum portant consultation des Corses sur trois évolutions possibles : le statut-quo (inscrit dans la démarche de décentralisation et de réforme générale de l’Etat), l’autonomie interne (dans le cadre d’une collectivité unique), l’indépendance ?

-est-il prêt à accepter que la mise en place de toute réforme ne pourra découler que des seules propositions formalisées par la représentation élue de l’Assemblée de Corse et des choix du Peuple Corse régulièrement consulté?

Si l’Etat ne transforme pas ces principes élémentaires en tabous, la reprise du dialogue pourra rapidement se présenter sous les meilleurs auspices, étant entendu que ce dialogue revêtirait un caractère éminemment politique puisqu’il porterait sur :

– le principe de la réforme constitutionnelle préalable aux réformes à venir ;

– l’échéancier des diverses initiatives ;

– la formalisation des projets par les élus territoriaux ;

– le principe de consultation des Corses et les conditions techniques de mise en place des futures institutions de la Corse ;

– l’organisation matérielle d’un référendum ; Ce cadre est d’autant plus envisageable que le Mouvement Clandestin a récemment pris une initiative majeure, celle de l’arrêt de la violence armée ; dans le même temps, l’Etat fait néanmoins comme si rien ne s’était passé.

Dans la même logique pourquoi ne pas imaginer que « la clandestinité armée », s’engage plus avant et propose à l’Etat la mise en œuvre d’un « Accord de Paix » portant sur :

  • D’une part, les engagements du Mouvement Clandestin :

– la démilitarisation de l’espace politique ;

– l’arrêt définitif du recours à la violence politique ; – le dépôt négocié des armes.

  • D’autre part, sur les engagements de l’Etat :

– l’arrêt des poursuites et enquêtes en cours ;

– l’engagement de négociations sur la question des prisonniers politiques et de leur libération ;

– la publication d’un calendrier de négociation.

L’ensemble de ces éléments pourrait ainsi faire l’objet d’une négociation claire, sereine et pragmatique entre l’Etat français, les mandataires du Mouvement Clandestin et des médiateurs issus de la société civile insulaire. Bien entendu, en fin de processus, seraient nécessairement abordés.

CINQUIEME ETAPE DU PROCESSUS : LA QUESTION DES PRISONNIERS ET L’AMNISTIE

-la question de l’amnistie des emprisonnés, poursuivis et recherchés,

-la question de « la paix des braves » serait abordée et tranchée dans le même esprit que la phase précédente ;

-entre-temps, le rapprochement en Corse des prisonniers politiques pourrait bien entendu constituer, sans faux-fuyants, l’un des gages du Pouvoir à vouloir régler au fond la question nationale corse.

Ce n’est donc qu’au prix de ces engagements mutuels essentiels, sans préalables, sans langue de bois, tant de la part du Pouvoir que de celle des nationalistes, que la Paix et la Démocratie pourraient enfin être au rendez-vous et qu’une page pourrait définitivement se tourner, celle de l’affrontement, celle de l’interférence de la justice française dans le règlement d’un dossier politique, et celle du cycle répression / action / répression.

Enfin, avant toute chose, il faudra que l’Etat français accepte d’assumer clairement sa part de responsabilité historique dans la situation corse ; cela passerait certainement par l’accomplissement d’un « devoir de cicatrisation ».

4) La concrétisation d’un changement fondamental tant du point de vue statutaire que de la prise en compte d’une citoyenneté insulaire

Cette notion de citoyenneté spécifique exorbitante des règles fondamentales régissant la citoyenneté française, es déjà intégrée dans le droit positif français puisque l’article 4 du statut de la Nouvelle Calédonie, ainsi que l’article 2 de la loi du 9 novembre 1988 préparatoire au référendum d’autodétermination, prévoient l’institution d’une citoyenneté néocalédonienne. Cette citoyenneté confère la qualité d’électeur aux personnes de nationalité française remplissant certaines conditions ; elle conditionne la composition du corps électoral pour les scrutins locaux (élections municipales, territoriales référendums, etc…).

L’acquisition de la citoyenneté est assujettie notamment à des conditions de résidence (20 ans de résidence). En ce sen, il conviendra de formuler des propositions concrètes de réformes institutionnelles spécifiques inspirées des démarches ayant par exemple prévalu à l’édification des statuts de Polynésie, de Nouvelle Calédonie ou de Wallis et Futuna, voire au projet de réforme ayant conduit au futur statut des collectivités d’Outre-Mer.

Quelques « marqueurs » de cette volonté de changement de paradigme pourraient être :

-L’élaboration d’un projet qui ne soit pas uniquement administratif et gestionnaire ;

-L’affectation d’une assise essentiellement politique au projet ;

-La clarification du projet sur la base de la définition de véritables « blocs de compétences » ;

-La dévolution sur cette base de nouvelles compétences à la Corse ;

-Le renforcement de la démocratie locale ;

-La limitation stricte du cumul des mandats afin notamment que les élus de chaque collectivité puisse décider en toute indépendance ;

-L’établissement d’un régime particulier en matière normative (« lois de pays ») conférant à la Corse un pouvoir législatif propre ;

-L’établissement d’un régime particulier en matière de citoyenneté (« citoyenneté corse ») en tant que territoire périphérique à forte spécificité ;

-La présentation d’un calendrier précis déterminé de façon contradictoire et paritaire;

-L’annonce d’une révision constitutionnelle spécifique au statut corse intégrant le principe de création d’une « Collectivité Unique Autonome de Corse ».

5) La refondation du contrat social par la révision du pacte républicain France/Corse de 1789, dans une approche de souveraineté partagée 

Au-delà de ces « marqueurs », outre les revendications portées par les nationalistes depuis plus de 30 ans, à savoir :

-La reconnaissance du Peuple Corse permettant la prise en compte d’une citoyenneté corse ;

-L’établissement d’une citoyenneté corse sur le modèle néo-calédonien ;

– La mise en place d’un statut de résident ;

– L’adoption d’un statut fiscal dérogatoire ;

– La mise en place d’un code des investissements ;

– L’enseignement obligatoire et généralisé de la Langue et de l’Histoire corses ;

-L’investissement de l’espace public par la langue corse ;

Si l’Etat s’engage dans une telle démarche, cela signifiera clairement l’obsolescence du «  Pacte Républicain » passé tacitement entre la France et la Corse en 1789, cela signifiera aussi qu’il conviendra de « refonder le Contrat Social » entre le Peuple français et le Peuple corse, et ce sur les bases suivantes :

– L’intégration du futur statut de la Corse dans une approche de souveraineté partagée, dans une réforme constitutionnelle préalable, en référence aux collectivités déjà reconnues par la Constitution : > aux collectivités d’Outre-Mer, > aux collectivités périphériques et ultra-périphériques, > aux collectivités spécifiques et insulaires, > à la Nouvelle Calédonie et à la Polynésie française.

-La perspective d’une réforme institutionnelle sur l’un des modèles suivants: > Autonomie Interne, Dévolution ;

– La création d’une fiscalité adaptée aux nouvelles compétences et fonctions : > par Péréquation, Territorialisation, Fiscalité propre, ou Autonomie fiscale ;

– La détermination d’un « droit local » : > à identifier dans les champs de compétences transférés ;

– L’attribution d’un pouvoir législatif local hors compétences régaliennes de l’Etat: Trois types de pouvoirs sont possibles : > un Pouvoir Législatif Exclusif (sur les compétences transférées), > un Pouvoir Législatif Concurrent (sur les compétences de gestion associée), > un Pouvoir Législatif d’Application (pour la mise en œuvre progressive des transferts de compétences).

– L’identification de blocs de compétences (à établir dans le cadre d’une loi organique spécifique) : > les compétences exclusives de l’Etat ; > les compétences exclusives de la Collectivité Unique Autonome ; > les compétences associées.

– L’introduction du principe de Subsidiarité (venant en complément de la répartition précédente) : > en s’inspirant notamment de l’exemple italien afin de rechercher le meilleur niveau territorial de compétence pour le bon exercice de compétences spécifiques.

– L’édification d’une structure d’accompagnement à la création de la norme et du droit local (rédaction, actualisation, codification, veille juridique, identification des périmètres) : > celle-ci pourrait être conférée au CESC ; > ou bien à une à une nouvelle structure.

– L’identification des aires fonctionnelles (régaliennes) devant rester à l’Etat : > parmi celles-ci, certaines nécessiteront un contrôle de l’Etat ; > d’autres en seront exonérées (compétences transférées);

– L’attribution de fonctions pour chaque transfert de compétence aux différents échelons du « gouvernement local » ;

– L’évaluation des besoins en ressources financières, humaines et en équipements et infrastructures, pour un bon et effectif transfert de compétences ;

– La dotation à la Collectivité Unique de Corse d’un véritable Parlement : > Celui-ci pourrait être bicaméral, une assemblée des « députés corses » (actuelle Assemblée) et une assemblée « des provinces » ou « des territoires » pouvant avoir vocation à représenter, au travers de trois collèges distincts, les Pays, Territoires ou « Provinces » insulaires (intégrant les Communautés de Communes), la Société Civile, ainsi que la Diaspora ;

– La dotation à la Corse d’un véritable Gouvernement Local : > tirant sa légitimité du Parlement et étant responsable devant lui ;

– La programmation d’une refonte totale de la carte administrative de la Corse sur la base de trois niveaux d’administration territoriale : > Communes, > Provinces (fédérations des Intercommunalités), > Collectivité Unique Autonome,

– L’attribution à la Collectivité corse  d’un pouvoir d’auto-organisation ; – L’affectation de compétences dans le domaine des relations internationales (économiques et culturelles) interrégionales : « para-diplomatie »;

– L’organisation institutionnelle et administrative locale devra relever des choix des représentants de la Collectivité Unique de Corse : – L’affectation de compétences d’auto organisation administrative ; > Celle-ci devra être seule habilitée à déterminer l’adaptabilité et l’évolutivité de ses administrations, de ses territoires, de ses collectivités subalternes ainsi que leur articulation territoriale, et ce par référence aux besoins, aux nécessités et aux réalités locales (économiques, géographiques, démographiques, historiques, topographiques, culturelles…).

– La différenciation entre : > un « corps électoral de Pays » ou « de souveraineté locale » appelé à se prononcer sur les élections et consultations spécifiquement insulaires (notamment élections territoriales et municipales, intercommunales, référendums locaux), > et un « corps électoral d’Etat » appelé à se prononcer sur les consultations afférentes à l’expression de la souveraineté nationale française (législatives, présidentielles, référendums nationaux). – La création d’une structure de formation des cadres de la nouvelle Collectivité Unique Autonome : > cela s’avèrera nécessaire afin d’absorber les difficultés soulevées par les transfert de compétences.

– La représentation proportionnelle comme principe de base de toute expression de la démocratie représentative en Corse.

Il s’agit là de quelques propositions concrètes qui marqueraient à la fois la volonté de Paris de rompre avec un régime ancien, mais marquerait également un esprit de réforme visant à ancrer une démocratie réelle dans l’Ile.

Tony Fieschi

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