TIBRUNE LIBRE : L’ISLAM EN CORSE

La question de l’Islam en Corse est une question nouvelle. Apparue dans l’île avec le retour des « rapatriés » et la loi sur le rapprochement familial de la présidence de Giscard d’Estaing, cette conception de la vie a connu un développement important jusqu’à aujourd’hui, par l’augmentation des habitants de Corse se reconnaissant et pratiquant cette vision du monde.

L’Islam est un acteur politique car ce n’est pas une religion, comme le sont les autres spiritualités présentes en Corse, à commencer par la religion chrétienne catholique qui est la plus ancienne et la plus ancrée dans la culture des Corses, dans leurs paysages, dans leur histoire (confréries, rôle des couvents, Vierge Marie Patronne de l’île, hymne national (Diu vi salvi Regina), et cultes des saints particulièrement vivants encore aujourd’hui). Il faut d’ailleurs noter que les autres spiritualités pré-chrétiennes ou nées de l’histoire de la Chrétienté restent marginales voire invisibles.

L’Islam est un acteur politique car c’est sa définition même qui le veut, malgré les différentes familles constitutives de sa réalité. Il a comme projet de construire un monde unifié où les préceptes spirituels doivent construire une Nation (l’Oumma), une société, un cadre de vie en cohérence avec ce projet, voire même une économie spécifique. Porteur d’un but politique, l’Islam est donc un acteur politique qu’il convient d’aborder de la seule façon possible, politiquement.

Or dans le brouillard contemporain typiquement français où on masque la réalité sous des analyses pseudo sociologiques, cette dimension est systématiquement laissée de côté, et l’approche de cette question est abordée à travers le prisme de l’anti-racisme, ou du soutien aux peuples souffrants dans les pays de culture musulmane (l’exemple de l’engouement pour le Printemps arabe, présenté comme un mouvement de libération nationale, sociale et populaire, alors qu’il était instrumentalisé par des courants fondamentalistes comme les Frères Musulmans, voire déjà par des organisations politico-militaires comme Daesh ou le FIS algérien en est l’exemple récent le plus parlant).

Dans la Corse d’aujourd’hui on ne peut plus faire l’impasse sur cette présence politique nouvelle. Mais pour la traiter il faut l’analyser précisément, comme tout analyste politique analyse les courants des différents acteurs politiques présents dans l’île. Cela veut dire poser les bonnes questions et apporter des réponses adaptées à ces questions : Peut-on intégrer dans une Corse en voie de reconstruction politique un concurrent universaliste ? Quelle place peut-on lui donner si la réponse à la première question est négative ? L’actualité oblige à se saisir de ces questions car ce qui est en jeu ce n’est pas du tout une question de liberté religieuse, comme cela a été le cas au XVIIIe siècle à l’Ile Rousse, mais une question de construction d’une société en rapport étroit avec ceux qui la composent.

Encore et toujours je dirai que sans une élaboration solide d’un authentique projet de société représentative des intérêts du peuple corse, cette question restera une épine profonde dans la réalité de la Corse d’aujourd’hui.

Olivier Jehasse

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Olivier Jehasse n’est pas membre du cercle I CHJASSI DI U CUMUNU. Il est professeur d’histoire ancienne et d’archéologie à l’université Pasquale Paoli à Corte et nous fait le plaisir de s’exprimer pour la deuxième fois sur notre blog au travers d’une TL se rapportant à notre prochaine réunion publique se déroulant sur Aiacciu ce jeudi 15 juin.

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